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Charles-Édouard D. de S.
(qui a préféré rester anonyme)

Mardi après-midi, Jérôme s'installa à la terrasse du Chalet Robinson où Charles-Édouard lui avait donné rendez-vous. L'établissement était situé sur une petite île du Bois de la Cambre qui prolongeait la forêt de Soignes au sein de la ville de Bruxelles. La disposition des lieux permettait une parfaite confidentialité de la conversation, loin de l’agitation de la ville...

Lorsque le bac reliant le parc à l'îlot accosta pour débarquer des clients, on n'avait aucun mal à y distinguer le magnifique Charles-Édouard, tant son allure en imposait par son élégance.

 le Chalet Robinson

Charles-Édouard D. de S. était issu de cette noblesse qui avait réussi, jadis, à se reconvertir en grande bourgeoisie d'affaires. Riche sans grand mérite, il ne se culpabilisait pas non plus d'être né avec une cuillère en or dans le bec. Dans cette famille opulente, on était riche de tradition patrimoniale à moins que ce soit de patrimoine traditionnel, et puis voilà, honi soit qui mal y pense comme disait Édouard III à l'époque où les rois d'Angleterre parlaient encore le français, et d'ajouter : « car qui s'en rit aujourd'hui (la jarretière de sa favorite) s'honorera de la porter demain, car ce ruban sera mis en tel honneur que les railleurs le chercheront avec empressement ».
Il en va de même pour la richesse, autant blâmée que convoitée par ses meilleurs détracteurs comme par ses pires laudateurs.

Charles-Édouard avait donc hérité d'une fortune appréciable bâtie par ses illustres ancêtres qui s'étaient transmis ce patrimoine dont ils s'étaient appliqués de l'accroître, chacun à sa manière. Et la manière de Charles-Édouard était d'investir à risque une partie substantielle de son capital dans ce qu'on appelle le Venture Capital, soutenant le démarrage de startups audacieuses ou la satellisation de spin-offs prometteuses. Le reste de son capital était investi plus prudemment en Private Equity pour partie et l'autre part mise en gestion dans un Family Office réputé.

Reconnaissant Jérôme en terrasse, Charles-Édouard s'avança d'un pas franc et l'incita d'un geste à ce qu'il reste assis. Les salutations faites et les commandes passées, Charles-Édouard interrogea Jérôme sur sa situation puis sur son mystérieux projet.
On rappela la faillite de la banque à l'origine de la crise bancaire et l'effet domino qui à sa suite mis à mal tout le secteur. Et comment Jérôme s'est finalement retrouvé au chômage et à devoir rechercher un emploi dans un secteur financier ravagé. Il lui expliqua alors comment lui était venu l'idée de fonder une nouvelle sorte de banque en marchant ...
Et là il entra dans le vif du sujet en lui exposant une explication plus complète du projet.
Charles-Édouard, toute ouïe, prenait quelques notes sur son digital notebook Moleskine.

– Et bien Jérôme, voilà qui demande double réflexion. Mais je suis intéressé, même si je reste assez dubitatif, je ne te promets donc rien, mais je pourrais bien mettre un peu d'argent là dedans. (Quand Charles-Édouard parle d'un peu d'argent il faut entendre un petit million, ça va de soi).
    – Merci de ton intérêt, prends le temps d'y réflechir.
    – Laisse-moi quelques jours et je te rappelle sans faute, mais c'est aussi parce que c'est toi.
    – Tu m'honores, mais rien ne presse, car c'est une entreprise au long cours.
    – As-tu déjà contacté d'autres personnes ?
   Sur cette question Jérôme préfèra un peu mentir pour ne pas qu'il s'imagine être le premier à qui il présentait son idée.
    – Affirmatif, deux trois financiers de ma connaissance, comme toi.
    – Si tu veux j'en parle à quelques autres.
    – Volontiers, mais choisis les bien en fonction du caractère encore assez confidentiel du projet.
    – Tu peux compter sur moi, je connais le secret des affaires.

Charles-Édouard consulta sa montre connectée, vida son verre, prit congé de Jérôme et lui tendit sa carte dont il corna le coin supérieur gauche comme il se doit.

 la carte cornée du Comte de Montray
Le Comte de Montray tend sa carte cornée à Garance
dans « les Enfants du Paradis »


Note : les parties de texte soulignées sont des liens vers une autre page.

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