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une histoire bizarre

« Ça me fait penser à une histoire qui remonte à bien longtemps, j'étais plus jeune »
marmonne Natacha qui poursuit plus distinctement :
« Je me trouvais dans l'appartement de Stéphane, Stéphane Smendès, tu connais ?
non, je crois qu'il ne travaille plus chez nous »
commença-t-elle faisant les questions et les réponses, Jérôme ayant la tête ailleurs...

« Je l'aimais, il avait de l'ascendant et de l'assertivité, il maîtrisait tout ce qu'il faisait avec brio, il régnait sur son monde et j'étais sa princesse.
C'était au début de notre relation et je venais souvent chez lui après le boulot.

On avait fait l'amour et je devais faire pipi. Dans le corridor qui menait à la salle de bain ou aux toilettes, je ne sais plus, j'entendis un gémissement venant de derrière la porte d'une espèce de simple cabinet de débarras. Un peu interloquée, je suis allée faire pipi tout en songeant à ce bruit. En repassant devant la porte je tendis l'oreille et un autre gémissement sortit du silence. Je fis un pas en pensant prévenir Stéphane, puis renonçai. Je collai mon oreille à la porte, ça bougeait là-dedans et puis je perçus un autre gémissement. Le cœur battant, la curiosité me fit tourner le bouton de porcelaine et la porte s'entrouvrit sur une scène éclairée d'une faible ampoule suspendue au fil électrique.

Dans chaque coin de l'étroit cagibi se trouvaient trois femmes, la porte occupant le quatrième coin.
Le gémissement venait d'une femme avec un couteau entre les dents, maintenu avec un fil de fer croisé qui passait par les anses de la passoire qu'elle avait sur la tête. Elle était assise sur une marmite retournée, les chevilles attachées aux poignées par des Ty-Raps. Pour rendre l'assise plus pénible, elle chevauchait un rouleau à pâtisserie qui lui écrasait le sexe. Les bras étaient contraints dans le dos par un filet à rôti qui dessinait un matelassé avec la peau tendue. La position des bras la forçait à se pencher en avant et les seins pendaient sur les pointes des fourchettes d'un corset confectionné de couverts en argent.

Dans l'autre coin, une femme était debout, les bras levés au-dessus de la tête, attachés à un porte-manteau par un câble Ethernet RJ45 jaune, les jambes écartées par un clavier de PC, dont le câble lui était planté dans l'anus. Ses bas nylon stay-up étaient filés et l'un d'eux tombait sur le genoux entravé par le câble du clavier. La culotte était souillée d'urine et à chaque téton un feuille de papier A4 était fixée par une attache trombone. Elle ne pouvait pas parler car elle avait une souris de PC dans la bouche, le fil serré autour de la tête et du cou.

La troisième femme avait un seau sur la tête de sorte qu'on ne pouvait pas voir son visage. Elle était à genoux sur deux éponges de vaisselle qui jouxtaient un torchon placé sous elle pour recueillir ses eaux. Ses bas de grosse laine plissés sur les chevilles découvraient des mollets poilus. Un plastic de sac poubelle dont le fond avait été découpé l'enveloppait comme une robe courte sans épaule qui lui compressait les mamelles. Les mains menottées dans des gants de ménages roses ne pouvaient se rejoindre car un manche à balai en travers du dos retenait les coudes en arrière. Elle devait pleurer sous son seau, car des gouttes perlaient au bord avant de tomber une à une. À moins qu'elle ne transpirait seulement...

Pendant que je contemplais la scène, ébahie, Stéphane surgit derrière moi.
« Mais qu'est-ce que tu fais là ? » dit-il énervé.
Il avait un fléau à la main et me poussa à l'intérieur. J'ai crié de frayeur sortant les autres de leur torpeur et elles se mirent à s'agiter. Il les frappa du fléau pour qu'elles se calment.
« Tu en veux aussi ? » me demanda-t-il d'une voix autoritaire, le brandissant sous mon nez.
« Non !  mais qu'est-ce qu'il te prend ?  qu'est-ce que ça signifie ? »  dis-je en m'écartant de lui.
« Ne te mêle pas de ça !  Tout ça fait partie de nos rapports personnels » répondit-il en caressant le visage de sa secrétaire avec le fléau.
« Drôle de rapports ! »
« Cette connasse m'a fait deux fautes d'orthographe dans cette lettre que tu vois pendue à sa poitrine, celle-là a laissé brûler le gigot et la troisième a jeté un document qui avait glissé sous mon bureau. Et déjà la veille, en nettoyant le couloir, elle avait mouillé mon pantalon avec son eau sale ».
Sous le seau, la pauvre femme de ménage proteste que c'est lui qui lui a couru dans les jambes, car il avait le nez plongé dans un dossier et qu'elle ne pouvait pas deviner quel papier elle ne doit pas jeter puisqu'il jette toujours des papiers sur le sol.
Il frappe le seau du fléau pour la faire taire en criant « Ta gueule ! »
Dans son coin, la cuisinière essaie d'articuler quelque chose, je lui enlève le couteau qui sert de bâillon.
Elle explique que si le gigot a brûlé, c'est parce qu'il l'avait enfermée dans le bureau pour la peloter. Il rit. « Ma pauvre fille, tu dis m'importe quoi, qui voudrait triturer ta viande ? »
« Stéphane arrête !  tu ne peux pas traiter les gens comme ça ! » dis-je outrée.
« Héla ma belle ! elles savent très bien à quoi s'en tenir en travaillant pour moi.
   C'est un contrat implicite entre nous ».
« Ça n'en a pas l'air en tout cas ! »
« Ne te fie pas aux apparences, elles adorent se faire punir »,
tandis qu'elles font toutes NON de la tête.
« Tu vois bien, tu ne peux pas faire ça, c'est de l'esclavage — et encore on prend soin d'un esclave ».
« Tu me fatigues avec ta moralité. Ici je suis le maître un point c'est tout.
   Elles sont libres de partir, mais je te dis qu'elles préfèrent rester me servir ».
« Stéphane, tu es complètement fou ! je pars, je ne peux plus rester chez toi avec ça » dis-je en désignant la scène du menton. Je regagnai la chambre pour me rhabiller et il me cria de loin :
« Mais qu'est-ce que tu as ? tu rêves ou quoi ? » dit-il en refermant à clé la porte du cabinet.
Et en effet, je me demande encore si je n'ai pas rêvé ...


Note : les parties de texte soulignées sont des liens vers une autre page.

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